Bonjour, c’est l’halloween. S’il y a bien un genre de jeux que j’adore, c’est les survival-horror. Les jeux d’épouvantes qui donnent des frissons ont généralement un succès d’estime auprès des joueurs sans pour autant se vendre par palettes entières. Pourtant, les plus jeunes d’entre nous n’ont certainement pas joué aux séries de jeux qui viennent en tête dès qu’on parle de survival-horror. Peut-on espérer revoir sur le devant de la scène le « noble genre » ? Est-ce un genre devenu archaïque ? Les survival-horror ont-ils un avenir ? Que mange-t-on ce soir ?
New York, I Love You But You’re Bringing Me Down
Tout d’abord, il est bon de rappeler quelques points essentiels qui nous permettront de cerner ce que j’appelle un survival-horror et un jeu qui s’apparente à un jeu d’horreur, mais qui en réalité n’en est pas un.
En premier lieu, il est bien évidemment question de peur dans ces jeux.
Comme le dit très justement le dictionnaire Larousse offert à mon passage en 6e, la peur c’est « un sentiment d’angoisse éprouvé en présence ou à la pensée d’un danger, réel ou supposé, d’une menace. » C’est aussi souvent « une appréhension face à une situation qui bouleverse nos rapports avec l’ordinaire » et la « crainte que quelque chose considéré comme dangereux, pénible ou regrettable se produise. »
L’horreur relève avant tout de la psychologie humaine. D’ailleurs, on parle souvent d’horreur psychologique dans certains cas. La définition fournie par Larousse nous explique très bien que l’effroi est de l’ordre de l’irrationnel et elle trouve racine sur nos angoisses les plus primitives (par exemple la peur de se faire dévorer tout cru ou la peur des araignées). Elle bouleverse notre logique et notre perception du monde, notre place dans notre environnement (travail, famille…), mais elle est aussi cathartique, car elle nous permet d’explorer et analyser ces moments désagréables de notre vie pour mieux nous connaitre. Nous avons tous expérimenté au cours de notre vie la crainte, le désespoir, les phobies et superstitions gardées secrètes au fond de notre cerveau. Faire face à nos phobies les plus intimes permettent de se purger et de se libérer d’un fardeau que tout à chacun porte.

L’autre aspect très important (et qui selon moi définit bien ce qu’est un survival-horror) est que le personnage qu’on contrôle est VULNÉRABLE et quasiment sans défenses face à des ennemis ou entités qui nous dépassent (dans tous les sens du terme). On se sent faible dans le corps d’une jeune fille de 14 ans qui n’a que pour se protéger avec son appareil photo de grand-mère (il n’y avait pas Snapchat à l’époque). Pareil quand on incarne un jeune aveugle au corps de lâche (ET ON VOIT À TRAVERS LES YEUX DE SON CHIEN BORDEL : GÉNIE). Finalement, le choix le plus raisonnable est de fuir face à la menace. On peut se défendre et tuer les ennemis mais on a peu de munitions, on risque de perdre beaucoup de santé dans un combat qui s’annonce rude… l’affrontement vaut-il la peine ? Ce choix appartient au joueur et il n’y a pas qu’une seule issue possible.

De ce fait, les derniers Resident Evil, Alan Wake, le mode zombie des Black Ops ou Dying Light ne sont pas des survival-horror. Il ne suffit pas d’avoir des zombies et des squelettes dans un jeu d’aventure-action pour en faire un jeu d’horreur. La notion de survie est bien présente (à différents degrés, certes), mais pour ce qui est de l’horreur… ça ne colle pas trop avec la définition fournie.
Ensuite, il est amusant de constater que le but premier de ce genre d’expérience n’est pas seulement de proposer des mécanismes de jeu pour nous divertir comme pour les autres jeux vidéo. Au contraire ! Le système de jeu et l’ambiance, graphique et sonore, se veulent anxiogènes dans le but de nous repousser au maximum et rendre l’expérience désagréable. On ne joue pas à un jeu d’horreur pour rire ou se détendre, on est tendu, stressé et c’est DÉSAGRÉABLE.
Sur un point de vue totalement cathartique, le jeu vidéo est le meilleur média pour faire face à la peur : contrairement au cinéma où nous ne sommes pas impliqués par ce qu’il se passe à l’écran (on est que spectateur, sans interactions possibles), dans le jeu vidéo nous sommes actifs; on est plongé dans un univers anxiogène et hostile qui dérange à plusieurs degrés, mais nous sommes à l’abri de tout dangers physique (n’oubliez pas : les jeux vidéo c pour de fo !)
Mais alors qu’est-ce qui S’EST PASSÉ BON SANG ?!

DERRIÈRE TOI, C’EST AFFREUX !
Certes, on en a eu quelques-uns sur consoles sur cette génération. Dead Space (le premier surtout), The Evil Within, Until Dawn… sans déconner (et sans mauvaise foi), je ne vois rien d’autre qui était vraiment porté sur l’horreur sur consoles à part ces jeux-là.
Établissons un bref état des lieux.
Malgré le fait que le gap technologique entre la génération précédente et actuelle ne soit pas si énorme que ça, la puissance des consoles de cette génération peut faire des merveilles. Regardez les locustes dans Gears of War, les démons de DOOM. On ne va pas se mentir : ils sont monstrueux. Les développeurs se damnent pour modéliser des monstruosités les plus affreuses les unes que les autres et optimisent graphiquement leurs titres. C’est cool vous me direz, mais qu’est-ce qui ne va pas ? Bah oui forcément c’est bien, mais ça ne marche pas : si on se souvient de Silent Hill, des premiers Resident Evil, des Project Zero, des Forbidden Siren ou même de Clock Tower (SNES) c’est qu’ils utilisaient des astuces pour combler le manque de puissance des machines de l’époque.

Prenons une anecdote très connue : le brouillard épais qui donne ce cachet si particulier et très inquiétant à la petite bourgade étasunienne de Silent Hill est en réalité un cache-misère. En effet, la PlayStation était incapable d’afficher à l’écran trop d’assets sans que la console crache ses poumons. La brume a été ajoutée pour masquer le clipping si particulier des jeux PlayStation… Malin, mais surtout brillant, car cela joue énormément sur l’atmosphère pesante du titre.

De plus, le fait de ne pas discerner l’environnement et les silhouettes qui se dessinent à l’horizon (je te vois, Project Zero) font travailler notre imagination et c’est cette inquiétude qui crée la peur. On se fait souvent peur tout seul, la nuit, dans le noir quand vous allez chercher de l’eau dans la cuisine et que vous avez l’impression de voir une silhouette se dessiner pas loin au fond du salon…
Malheureusement, Resident Evil 5 et/ou Dead Space (pour ne prendre que ces deux-là) laissent une très grande place à l’action et ne proposent AUCUN MYSTÈRE. Les graphismes sont trop détaillés, les environnements aussi, on voit à 15 m ce qui va nous tomber dessus… On arrive au deuxième point important :
LE MYSTÈRE DE L’ÎLE AUX SINGES
On a vu que la peur relève de la psychologie humaine et que certains développeurs l’ont bien compris. Il y a toujours quelque chose de fascinant dans l’inconnu, dans l’étrange, le bizarre… Cela s’explique notamment par l’envie irrépressible des humains à vouloir comprendre une chose qui les dépasse/répugne au premier abord (on se couvre les yeux pour ne pas voir une chose… mais on regarde quand même un peu par curiosité) même si comprendre n’arrangera pas les choses.

Cette part de mystère était le point central des jeux de l’époque. On a tous commencé nos aventures en se demandant où sont passés les membres des S.T.A.R.S. ; où est passée notre fille et pourquoi il ne semble avoir personne dans cette ville ? Où sont mes camarades dans cet immense manoir ? La situation initiale des survival-horror nous met dans le flou complet du genre à ne rien comprendre jusqu’à ne pas voir de liens entre les différents éléments narratifs et au fil de l’aventure on déchiffre (ou pas) ce qu’il s’est passé/se passe. Le joueur est partagé entre la sensation de s’enfuir et de savoir ce qu’il se passe au risque de la vie de son avatar virtuel.

Cette part de mystère semble être complètement disparue sur cette génération de console. En effet, la narration des jeux est de plus en plus linéaire… on mâche le scénario pour qu’il soit le plus digeste possible. Il faut toucher le plus de monde possible et il ne faut pas que ça dépasse totalement le joueur, il ne faut pas que ça le bouscule dans ses habitudes. Sinon, on risque de ne pas vendre le jeu qui a couté x millions lors de son développement (on en parlait avec Christophe Deroo, le réalisateur de Sam Was Here qui justement adore les survival-horror).

Une fois qu’une licence possède 5 834 598 jeux ayant en commun le même univers et le même nom, il n’y a plus de mystères. Rien ne fait peur puisqu’on connait déjà cet environnement, on connait le lore, les ennemis, les alliés… C’est prendre un gros risque de recréer une nouvelle franchise qui plus est d’horreur quand on sait que cela ne plaira pas à la grande majorité du coup, CAPCOM et consorts pressent jusqu’à la dernière goutte leurs licences pour se faire un peu d’oseille avec la gloire passée en le déclinant à toutes les sauces possible.
Tout porte à croire que le genre est mort. C’était déjà au départ un jeu de niche qui plaisait à peu de personnes, mais qui pouvait être rentable si ledit jeu avait bonne presse et que le bouche à oreilles faisait découvrir des perles cachées. Pourtant, sur PC, les jeux d’épouvantes sont légion, mais peut-on les qualifier de survival-horror pour autant ?
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Même si vous ne jouez pas sur PC, vous connaissez sûrement Slender Man, Five Nights at Freddy’s et autres jeux bidons à screamers qui sont le degré zéro de la peur (forcément si on passe une musique zen et que d’un coup un chat surgit de nulle part et qu’on met du hardcore en volume 500 % on sursaute). Non, ceux-là ne sont pas des survival-horror mais il y a néanmoins quelque chose qui s’y dégage. Généralement, je prends le cas de Slender Man, il y a un background, un univers qui est raconté autour du jeu qui est déjà installé avant de jouer au jeu : ce sont les creepypastas.
On retrouve cette étrangeté, cette part de mystères qui intrigue et effrayent dans les creepypastas et autres légendes urbaines contemporaines. Problème : ce ne sont pas à proprement parler des « jeux », car il n’y a qu’un scénario possible, très très peu d’interaction et surtout quoiqu’on fasse les jumpscares se déclenchent, cristallisant ainsi l’histoire écrite sur un sombre blog ou forum. C’est intéressant à voir si on ne connait pas trop ce que c’est (mais si vous lisez ces lignes, c’est que vous devez en savoir un minimum quand même, non ?) et pour le coup, la peur et le sentiment d’insécurité sont bel et bien présents.

Des jeux qui offrent des atmosphères inquiétantes existent toujours et ce sont les indépendants qui (encore une fois) proposent ces expériences qui sortent de l’ordinaire. Quand l’industrie du AAA ne peut plus produire ce type de jeux, on est bien content de voir que chez les indés, les gloires du passé font des émules et d’autres jeux originaux. LIMBO ou INSIDE de Playdead Studios sont de parfaits exemples. Idem pour Neverending Nightmares, FranBow, la série de Amnesia et SOMA, ou The Last Door (pour ne citer qu’eux) sont capable de faire ressentir des sensations assez désagréables, mais juste assez pour continuer à avancer pour découvrir leurs mystères/intrigues propres. Toutefois, le côté « survival » est moins marqué même s’il est possible de mourir dans bon nombre de ces titres. Je place une spéciale dédicace à Alien Alienation (que je n’ai pas fait AH BEN ON PEUT PAS FAIRE TOUT LES JEUX VIDÉO QUI SORTENT HEIN) dont on ne m’a dit que du bien malgré les nombreux jumpscares.

Call me Ishmaël
Ne perdons pas espoir, camarade ! L’avenir résolument orienté vers la réalité virtuelle et le tournant à 180º qu’opèrera Resident Evil VII promet de belles frayeurs et moult crises cardiaques, casque vissé sur la tête. L’immersion totale que propose l’Occlus Rift, l’HTC Vive ou encore le PS VR permettra de se plonger directement dans les yeux de notre avatar. Nous ne serons jamais de sortis de cette spirale infernale tah la Junji Ito des jumpscares à tout va et d’un manque cruel de scénario/d’intrigue qui donne envie d’avancer. Mais je pense que les développeurs et éditeurs, voyant cette technologie être adoptée par le grand public réfléchiront à faire revivre ou — encore mieux — à créer de nouvelles licences; un peu à la Death Stranding (qui est en réalité Silent Hills, mais sans le nom. Je tiens cette info de source sure) où le joueur devra tenter de survivre dans un univers impitoyable et totalement horrifique.

Il est aussi très intéressant de faire remarquer que c’est la série la plus connue du grand public qui a opté pour un tournant TPS / Action avec le quatrième « épisode canonique » de Resident Evil alors que le genre était à son paroxysme. Le fameux âge d’or du jeu d’horreur. RE4 fut une réussite indéniable aussi bien critique que commerciale traçant pour les années suivantes l’axe de développement de la franchise. Les éditeurs se sont complètement jetés dans la brèche pour proposer des expériences similaires. Néanmoins, je retiendrai The Last of Us qui est à mon sens un bon exemple « renaissance » du genre : il faut survivre dans un environnement hostile en affrontant des infectés qui peuvent être n’importe qui. Le système de jeu bien que très porté action met l’accent sur l’infiltration dans de nombreuses phases où il faut passer sans déclencher une guerre à l’issue incertaine. J’ai pas eu peur, je pense qu’il fait pas du tout peur juste sursauter à certains moments (satanés jumpscares…) mais je pense que c’est un jeu qui a su se se réapproprier les codes d’un genre qui ne laisse définitivement pas indifférent.

Sources / Pour aller plus loin :
- CreepyPasta From the Crypt — NSFW Blog francophone regroupant énormément de creepypastas et images/vidéos étranges. Tout est absolument faux
- Creepy as Sh*t — Émission sur YouTube analysant des jeux d’horreurs
- Black Mirror — Série britannique d’anticipation qui dresse une sombre portait sur notre utilisation des médias et de la technologie
- Jeuxvideo.com — Survival Horror : la peur est de retour
- Digital Culture Books — Silent Hill: The Terror Engine par Bernard Perron