Outre le fait qu’il faille installer près de 130 Go sur sa console pour profiter de Call of Duty : Infinite Warfare et Call of Duty 4 : Modern Warfare Remastered pour certaines éditions, Activision Blizzard, non content de passer pour le vilain capitaliste par excellence, propose une pratique pas très halal qui divisant une fois de plus les joueurs. Comme le montre l’en-tête on ne peut plus éloquente, le disque d’Infinite Warfare est requis pour pouvoir lancer le « graal » (pour certain) MW Remastered. Est-ce vraiment légal tout ça ?
Première consultation
Ça fait presque 10 ans bientôt que je me butais en ligne à Call of Duty 4 sur ma Xbox 360. À l’époque, j’avais pris comme tout le monde Halo 3 et je m’y consacrais pendant pas mal de temps sur le Xbox Live comme beaucoup de monde. Certes, c’était plus mou qu’Halo 2 dans le gameplay, mais le contenu en ligne et hors ligne était dantesque pour l’époque ! À côté, j’avais une team. Je jouais pas mal avec eux sur Gears of War et sur la bêta fermé de Call of Duty 4 qui, grâce à une technique de prêt de comptes (faut avoir confiance !), n’était plus trop fermé. Je n’étais pas plus emballé que ça, mais à la suite des nombreuses relances de mes compères, j’ai finalement fait son acquisition une semaine après sa sortie. J’en garde un bon souvenir.
C’est clairement sur cette petite fibre nostalgique que l’éditeur souhaite surfer dans le but d’écouler la dernière production de ce qu’il reste d’Infinity Ward (une bonne partie de l’équipe ayant œuvré sur MW a fondé Respawn Entertainment pour faire Titanfall). En effet, beaucoup de joueurs n’ont que faire du jeu principal qui n’a plus grand-chose à voir avec la série. L’action spatiale et très (trop ?) futuriste est beaucoup trop éloignée de l’expérience que cherche le quidam adepte du « collof » annuel. Même si les poncifs de la série comme les scènes de blabla interminables, les plot twists saugrenus sont bien là pour nous rappeler qu’on joue bien à un CoD, on nous a rapporté que beaucoup de clients en magasin demandent à acheter Call of Duty 4 : Modern Warefare Remastered séparément.
Malheureusement, cela n’est pas possible pour le moment. Si on veut retourner camper sur Overgrown ou Crossfire va falloir alléger son portefeuille. Et pas qu’un peu ! Alors qu’il possible d’acheter Infinite Warefare seul, MWR est fourni qu’à partir de l’édition Legacy à 80 euros (PVC) ! Bien qu’on n’ait pas de chiffres pour le moment (le jeu est officiellement disponible que depuis hier c’est-à-dire depuis le 04 novembre 2016), il suffit de voir que cette édition est une des plus convoitées.

Le prix est rédhibitoire. Surtout si on est seulement intéressé par la version remise au gout du jour d’un jeu sorti il y a presque dix ans. Seulement, voilà. Activision avait omis de préciser une chose… Oh trois fois rien, jugez plutôt :
— Attendez ! Les joueurs consoles n’accepteront jamais ça.
— Ouais bah t’avais aussi dit qu’ils accepteraient jamais de payer le online. pic.twitter.com/VrpWIjH0YL— Aienkei (@Aienkei) 2 octobre 2016
Et cela a bien été confirmé par Activision sur le site internet du jeu.
Malin de la part de l’éditeur qui souhaite avant tout s’en mettre plein les poches. Tant que les gens achètent, après tout pourquoi pas me direz-vous ? Bah non, en fait. Mon côté juriste et commercial surgit de nulle part et me fait m’interroger sur cette pratique commerciale et assez inédite en ce qui concerne le jeu vidéo.

It’s Tricky to rock a rhyme
Tout d’abord, pour comprendre pourquoi cette façon de procéder fait grincer des dents, mettons les mains dans le cambouis.
Comme le dispose l’article L. 122-1 du Code de la Consommation :
« Il est interdit de refuser à un consommateur la vente d’un produit ou la prestation d’un service, sauf motif légitime, et de subordonner la vente d’un produit à l’achat d’une quantité imposée ou à l’achat concomitant d’un autre produit ou d’un autre service ainsi que de subordonner la prestation d’un service à celle d’un autre service ou à l’achat d’un produit.«
L’article L. 113-2 du même Code de la Consommation précise que « les règles définies au présent livre s’appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de services. » Nous sommes bien concerné, donc.
Dans ce cas, coupler ou jumeler l’achat des deux jeux et interdir l’achat du second est interdit par la loi française. Cependant, l’article 45 de la LOI n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit dispose :
4° Le premier alinéa de l’article L. 121-36 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque la participation à cette opération est conditionnée à une obligation d’achat, la pratique n’est illicite que dans la mesure où elle revêt un caractère déloyal au sens de l’article L. 120-1. » ;
5° Le premier alinéa de l’article L. 122-1 est complété par les mots : « dès lors que cette subordination constitue une pratique commerciale déloyale au sens de l’article L. 120-1 » ;
La vente jumelée (ou liée) est autorisée sauf s’il y a une pratique commerciale déloyale.
L’article L. 120-1 (abrogé sur ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 – art. et remplacé par l’article L. 121-1) du Code de la Consommation indique noir sur blanc que les pratiques commerciales déloyales sont interdites. Sont distinguées les pratiques trompeuses et agressives, mais nous ne retrouvons pas vraiment le cas de Call of Duty dans les textes de lois. Même si on est à la limite de la tromperie commerciale mais c’est vraiment super limite, je ne pense pas qu’on puisse considérer cela comme de la tromperie.

Cette histoire me fait penser au combat des libristes qui luttent contre la vente liée, sans résultat. Ils luttent surtout contre la vente liée de PC et OS intégré et imposé (Windows, en l’occurrence). Après que la Cour de cassation ait renvoyé l’affaire au CJUE (Cour Européenne de Justice), celle-ci a conclut que les pratiques de ventes liées d’un ordinateur et d’un système d’exploitation ne constituaient pas des pratiques déloyales au sens de la directive de 2005/29 sur les pratiques commerciales déloyales (« PCD ») et n’altère pas le comportement économique des consommateurs. Elle ajoute que cette pratique n’est pas trompeuse, car cette pratique « correspond aux attentes d’une part importante des utilisateurs ».
Comment mesurer l’attente des consommateurs pour MWR alors les précommandes précisaient bien que l’édition Legacy comprendrait les deux jeux ? Qu’il n’y avait pas de possibilité de précommander seulement Modern Warefare Remastered ?
J’ai pas les réponses mais une chose est sûre c’est que les petits gars qui voulaient revendre Infinite Warfare pour alléger la facture sont particulièrement SALÉS.
Sources / Pour aller plus loin :
- April.org — Non aux ventes liées / forcées de logiciels
- ZDnet.fr — Vente liée HP France a le dernier mot face à UFC Que Choisir
- Next INpact — Pourquoi la justice européenne a sanctuarisé la vente liée PC et OS
- Forbes — Bobby Kotick, CEO of Activision Blizzard, on creating a culture of innovation for 25 years