amiibo
En 6 mois, ces six lettres ont brisé des amitiés, des histoires d’amours, des commerçants désabusés, des collectionneurs compulsifs, des gamines de 8 ans fans d’Harmonie et j’en passe. Mais avant que l’on rentre dans le vif du sujet, commençons par les présenter.
Les amiibos sont des figurines créées par Nintendo, qui, comme on le sait, trouvent toujours les meilleurs moyens de se faire du pognon quand ils sont à l’article de la mort (cf. l’effet que te procures le premier générique de Pokémon et la version Nintendogs Teckel de ta petite soeur). A l’instar des Skylanders et des Disney Infinite, ces petites figurines NFC ont pour intérêt de briser ce fameux mur qu’il y a entre le palpable et le numérique. Pour ceux qui s’en souviennent, dans la cinématique d’intro de Smash Bros Melee, les combattants étaient en fait des figurines qui prenaient vie pour se foutre sur la gueule, et bah là c’est pareil. (J’ai un peu pleuré en remattant l’intro). Tu scannes ton jouet, puis tu peux alors lui donner un nom, le customiser et ensuite l’entrainer pour se fighter contre eux, ou les faire combattre en eux, un peu comme des Pokémon (qui n’a jamais rêvé de pouvoir toucher ses Pokémon ? En tout bien tout honneur hein). En dehors de Smash Bros, les amiibos débloquent quelques conneries sur certains jeux, comme sur Mario Kart où tu peux débloquer le costume du perso que tu scannes. Elles permettent aussi de débloquer des démos de jeux vieux de 25 ans, génial.
C’est cool. Les adulescents qui ont mal vécu le fait d’avoir peu de produits dérivés de leurs persos fétiches y voient là l’occasion d’en acheter quelques uns, les gamins trouvent une nouvelle manière de mieux racketter leurs parents et les membres de la secte Iwata peuvent enfin acheter des DLC sans se sentir souillés. Et là toi aussi tu te fais happer par le truc, et tu sors cette phrase qui va changer ta vie à jamais:
J’vais me prendre celle de mon perso préféré, elle débloquera des trucs dans des jeux et fera jolie sur mon étagère
C’est là que le Amiibo Game commence. J’aimerais bien te dire « Olala j’aimerais pas être à ta place », mais j’y suis aussi.
Il faut savoir quelque chose: 50% de ces putains de figurines sont introuvables. Deux semaines après la sortie de la première édition, Nintendo a commencé à faire courir des rumeurs sur la non-reprise de production de certaines figurines (Villageois, Marth, Wii Fit Trainer). ET SOUDAIN, des tonnes de mecs qui en avaient rien à branler de ces persos se sont mis à les acheter. Je me suis moi-même tapé 3h de bus aller-retour pour aller récupérer un Villageois dans la brousse. Je voulais le Villageois, je voulais l’acheter « un jour », en promo à 5 balles, parce qu’il aurait moisi dans des rayons… mais Nintendo en a décidé autrement.
Très vite, le amiibo est devenu un objet de prestige, de convoitise… quelque chose de… précieux.
Un amiibo pour les gouverner tous
Et là mon gars, même Schwarzenegger dans la Course au Jouet il fait tiep’ à côté de ce que tu vas endurer pour choper un putain d’amiibo. Nintendo ayant compris qu’il était bon de raréfier ses petits trésors, chaque « vague » contient de plus en plus d’amiibos rares (on parle là de deux pièces max par magasins, et encore). Et en 2015 dans le jeu vidéo, qui dit rareté dit « y a moyen de se faire de la maille frère », et ça les fameux spéculateurs (« scalpers » dans la langue de James Bond) l’ont bien compris.
On se retrouve donc dans ce brillant schéma:
- Nintendo alimente très peu les distributeurs pour créer l’envie
- Les spéculateurs rafflent le peu de stock dispo pour le revendre jusqu’à 10 fois le prix
- Les collectionneurs, déjà mal à l’aise d’avoir une facture de 500 balles pour des figurines mal peintes, pré-commandent chez PLUSIEURS REVENDEURS pour maximiser leurs chances (ils échangent ensuite contre d’autres amiibos « rares », selon eux ça empêche la spéculation, selon la logique ça revient au même)

Et au milieu de toute cette merde, il y a toi, couillon d’une vingtaine d’années qui voulait juste « en acheter quelques autres pour avoir tous les persos que tu aimes, et pour au cas où ils seront compatibles avec le prochain Star Fox, et pour avoir toute la collection Zelda, et parce que les figurines Ness ça existe pas en France, et [insérez ici une autre excuse de merde que vous avez sorti à votre meuf ou sur un forum]. » Parce que oui, toi aussi tu t’es fait prendre dans les filets du marketing, toi aussi tu voulais avoir le costume Captain Falcon qui allait avec le Blue Falcon que t’as acheté sur Mario Kart 8, tu te fais sucer ton fric, mais t’aimes ça, cette « chasse » à la rareté te hérisse le poil, tu aimes afficher fièrement ta nouvelle prise sur ton compte Instagram pour faire jalouser les faibles qui ne sont pas parvenus à avoir le Graal. Tu sais que cette passion est un peu ridicule (et en plus te coute une blinde), tu te sens merdique, mais comme lorsque tu tapes des tags un peu cradingues sur un site porno, tu peux pas t’en empêcher et tu te sens coupable de kiffer (enfin, je suppose).
Le mois dernier je me suis lancé dans la quête du amiibo Ness, personnage de EarthBound. Il faut savoir que je n’ai jamais fini EarthBound (parce que j’ai perdu 6 fois ma save) et que je ne joue même pas Ness sur Smash Bros (j’ai même pas Smash Bros Wii U/3DS, lol). Seulement voilà, c’est un peu un personnage prestigieux et même si je n’y suis pas spécialement attaché, sa gueule m’est sympathique, du coup j’le voulais. Mon excuse fumeuse étant posée, sachez que j’ai passé 6/7h à déambuler partout dans ma ville pour trouver la figurine, ces heures de recherches intervenaient après plusieurs semaines à surveiller/rater les précommandes sur les sites marchands, précommandes qui durent en moyenne 1 à 15 minutes. Pour parvenir à mon but, j’ai du faire les ouvertures de magasins pour arriver au moment de la sainte livraison et passer un nombre incalculables de coups de fil pour demander des infos à des gens qui ne savaient parfois même pas de quoi je parlais, et ce pendant 3 jours (oui, vous pouvez me juger). Une fois le p’tit mec à casquette trouvé, j’ai un peu dansé (dans une ruelle déserte), j’ai posté la photo de l’animal un peu partout sur Internet, officiellement pour partager ma joie avec d’autres gens malades, officieusement pour leur foutre gentiment le seum.
Amiibo c’est beau la vie, pour les grands… et c’est tout.
Tu le sens le chaos ? Tu sens toute la violence qui se cache derrière ces petites bouilles en plastique et cette typo toute ronde, toute sympatoche ? Tu les entends les sanglots de ces gamins qui voulaient la figurine de leur perso mais qui voient leurs espoirs partir en fumée 4 jours avant la sortie officielle ? Le malaise.
Et même si Nintendo prétend que la situation va s’arranger, des ré-éditions d’anciens modèles ayant été annoncées, le chaos ne cessera pas pour autant. Les deux prochaines vagues d’amiibo sont à nouveau frappées par le phénomène des précommandes éclaires sur les sites de vente en ligne. Malgré les promesses, les consommateurs ont leurs habitudes et préfèrent la jouer safe, et Nintendo ne semble pas chaud de sur-blinder les stocks pour calmer le jeu, ça serait trop simple, et l’argument de vente numéro 1, la rareté, se casserait la gueule. Qui plus est, pour encore plus rendre le marché bordélique, les ré-éditions des figurines ont subi des modifications, comme le amiibo Villageois qui n’a plus la meme gueule et se paye maintenant le front de Rihanna (ici). Ces petits changements peuvent paraître totalement anodins pour le commun des mortels, mais pour un acharné du Amiibo Game, ils remettent tout en cause puisque les « First Edition » deviendront encore plus rares.
Enfin, ces filous de Nintendo ont trouvé de nouvelles techniques pour attirer les plus récalcitrants avec des PELUCHES AMIIBOS ou encore des éditions LIMITÉES (d’un produit déjà en édition limité, inception), à l’instar du Mario GOLD, vendu aux US en très faible quantité, ce qui a provoqué des campements de fortune devant certaines enseignes.

Les Tamagotchi de 2015 ?
Reste à voir où Nintendo va amener le concept pour qu’il ne reste pas au simple stade d’effet de mode. Car bien que l’idée soit brillante, les amiibos n’ont pour le moment pas le même impact in-game que les figurines d’Activision et de Disney qui sont indispensables aux jeux qu’elles représentent, et qui de ce fait, « enclavent » leurs joueurs dans une seule série. Dans le cas des amiibos, ces dernières offrent des fonctionnalités bonus sur des jeux « communs », il est donc primordial de gérer cet équilibre au mieux pour qu’aucun public ne se sente à l’écart.
Aujourd’hui, les figurines concernent plus ou moins directement trois publics
- Les consommateurs d’amiibos: Ils utilisent les fonctions NFC, il faut donc qu’ils sentent que leur achat est justifié, par exemple en leur proposant autre chose qu’une démo de Super Mario World, ils peuvent en collectionner quelques uns mais leur but n’est pas de tous les avoir. Les gosses sont par exemple concernés par cette catégorie.
- Les collectionneurs d’amiibos acharnés: Ceux là les gardent en boite (et donc n’en ont rien à battre des fonctionnalités NFC), pour le moment ils sont nombreux mais de plus en plus lâchent le game en route. Les raisons sont diverses, soit ils se rendent compte qu’ils vont devoir saigner leur PEL pour tous les avoir, soit ils en ont marre de prendre des jours de congés pour farmer les Leclerc et les Micromania une semaine par mois.
- Les réfractaires aux amiibos: Pour eux, il faut éviter de fournir trop de contenus liées aux amiibos, au risque de les mettre à l’écart et de les perdre totalement. De ce fait l’amiibo ne doit jamais paraître « indispensable ».
Nintendo marche donc un peu sur des oeufs et se doit de satisfaire au mieux tout le monde; pour l’instant l’affaire est fleurissante, mais on parle là d’un marché qui a tout juste six mois, c’est que dalle. Quoiqu’il en soit, après le dernier Nintendo Direct où le mot « amiibo » a été prononcé une bonne cinquantaine de fois, il ne fait aucun doute que Big N est conscient qu’ils tiennent pour le moment une mine à pognon magistrale et que chaque grosse sortie sera accompagné de figurines associées, comme c’est le cas pour Splatoon, qui arrive dans quelques jours.
Pour ma part je dois encore me prendre Ganondorf, Falco, Megaman, Link Cartoon, Fox… puis peut-être Luigi aussi… puis pourquoi pas Mr Game & Watch tiens… oh et imaginez qu’ils sortent des amiibos Peppy et Slippy avec Star Fox Wii U…
Suivez nous sur Twitter @Merugezu pour ne rater les derniers drop d’amiibo !
Tweets par @merugezu
Un commentaire sur « LE AMIIBO GAME | CHRONIQUE D’UNE VICTIME DU MARKETING »