Alors que les super-productions photoréalistes et sans âme s’apprêtent à débouler pour terminer sous le sapin ; deux petits mecs ont justement décidé de parier la leur, d’âme, mais manque de bol, ils ont perdu. Ces deux téméraires nommés Cuphead et Mugman font beaucoup de bruit dernièrement ; autant pour leurs bouilles rétro que pour les aventures tordues qu’ils mènent pour récupérer leur dû. Et parce qu’on est tombés sous le charme dès le premier trailer diffusé en 2014, on a pas pu résister à l’envie de tester la qualité de leur porcelaine en les passant sur le grill.

2-cuphead

Retrouvez la version vidéo du test en bas de l’article !


Conditions de jeux:

  • 25 heures de jeu
  • Sur Xbox et sur la version du Windows Store
  • Jeu fini une fois en mode Normal

Cuphead c’est un shooter 2D qui s’est fait attendre. Développé par le tout petit Studio MDHR, fondé par les frères canadiens Chad et Jared Moldenhauer. C’est de leur esprit qu’est né Cuphead au début des années 2000, mais faute de moyens techniques, le développement du jeu a commencé au début de la décennie actuelle. Les deux frères disent s’être inspirés de titres comme Gunstar Heroes, Contra, Thunder Force ou Street Fighter III pour mener ce projet à bien.

Dès l’annonce, Cuphead s’est fait remarquer pour son style graphique audacieux, le jeu étant entièrement dessiné à la main façon années trente. Avant même d’être tombé dans les mains de plusieurs centaines de milliers de joueurs au moment où l’on écrit ces lignes, il avait saisi l’assemblée grâce à cette 2D d’un nouveau-genre, dans un univers totalement cohérent. Car au-delà de la patte graphique, on retrouve cet esprit vintage de l’incroyable musique jusqu’aux répliques des personnages. Mais derrière ce style mignon, rappelant l’enfance de nos aïeux comme de la notre, se cache un jeu aussi diabolique que son antagoniste : The Devil

Ton mal, mon bien

Ce dernier en avait marre que Cuphead et Mugman aient la tasse bordée de nouilles en gagnant toutes les mises dans son Casino, il leur a donc proposé de parier une ultime fois : S’ils gagnent, ils remportent tout, s’ils perdent, ils devront donner leur âme. Dans un lancer probablement pipé par le malin en personne, les deux frères perdants ont été contraints de donner leurs précieuses âmes, à moins qu’ils ne parviennent à récupérer celles de tous ceux qui refusent de la remettre au cornu. C’est donc en bonnes poucaves rappelant les années trente soviétiques cette fois que Cuphead et Mugman se lancent dans leur quête pour récupérer les contrats de leur nouveau boss.

cuphead screen
« Sivouplé monsieur Devil, on est prêts à vous donner la machine à expresso qu’on a eu en cadeau avec notre dernière commande La Redoute »

En parlant de boss, c’est d’ailleurs autour de ces ennemis survitaminés que tourne le jeu. Cuphead avait en effet pour vocation initiale d’être un Boss Rush, comprenez par là une succession de boss entrecoupés de rien du tout si ce n’est d’une petite ballade sur une mappemonde. Seulement lors des premiers essais sur les salons, les joueurs se sont avérés frustrés par l’absence de séquences types plate-formes ou run n’ gun comme dans un Metal Slug ou un Contra. Le jeu a donc été repoussé de plusieurs mois pour incorporer ces fameuses séquences. En résulte des niveaux que l’on traverse en ayant hâte de passer à la suite, il m’est même arrivé de les garder « pour la fin du chapitre » histoire de ne pas casser le rythme. Sans être mauvais pour autant, on sent que ces séquences ont été ajoutées et n’ont pas la frénésie enivrante des combats de Boss ; mais sans elles le jeu se serait sûrement fait plomber, alors bon, autant qu’elles soient là…

cuphead run n gun
Sans être atroces, les phases estampillées « Run n’ Gun » sont loin d’être mémorables

C’est dans ces mêmes niveaux que sont parsemées les pièces d’or, permettant d’acheter nouveaux tirs et autres charmes à ce cher monsieur Cochon qui vous accueillera d’un sincère « Welcome » venu du fin fond de son estomac. Ces différents pouvoirs ont le mérite d’être en général extrêmement bien équilibrés ; pour évoquer mes favoris ; le Spread fait beaucoup de dégâts mais à condition d’être tout près, quand la Smoke Bomb ajoute des frames d’invincibilité au Dash mais aussi d’invisibilité, on est donc moins vulnérables tout en ne sachant pas toujours avec exactitude où l’on va atterrir. Malgré ce bon équilibrage une arme sort du lot, celle qui permet de charger ses tirs pour lâcher des projectiles plus puissants; mais les développeurs viennent d’annoncer qu’ils allaient la nerfer pour qu’elle soit au niveau des autres.

Du pari au parry

Vous avez probablement sourcillé tout à l’heure lorsque Street Fighter III a été mentionné, et bien pourtant les trois prochaines mécaniques de gameplay semblent directement reprises du magnum opus de la série de Capcom. La première est le EX Move, comme sur les derniers Street Fighter, cette technique est un dérivé de l’attaque simple en plus puissante. Ainsi une rafale de petites boules deviendra une grosse boule d’énergie type Hadôken en EX. Bien entendu ce gain de puissance a un coût, ici c’est une carte de puissance. Une carte de puissance s’obtient progressivement en touchant l’ennemi à de multiples reprises et il est possible d’en cumuler cinq, mais on peut aussi en gagner une directement en faisant un parry !

cuphead street fighter 3
Les frères Moldenhauer sont des fans de Street Fighter III, et ça se sent

Le parry, qui porte là encore exactement le même nom dans Street Fighter III, était un mouvement consistant à mettre un coup de stick vers l’avant au moment de l’impact d’une attaque pour la contrer. Le principe dans Cuphead est ici légèrement différent puisqu’il s’agit cette fois d’appuyer sur un bouton lorsque l’on est proche d’un élément du décor ou d’un projectile rose, et uniquement rose. Alors que ce concept est assez flou au départ, on essaye en vain de « contrer » tout ce qui s’approche de nous, il prend une toute autre saveur quand on en comprend les tenants et les aboutissants. Au milieu des dizaines de tirs que l’on se bouffe parfois, on cherche donc à trouver un tir rose pour le contrer et ainsi faire monter sa barre beaucoup plus vite dans le but d’obtenir la sacro-sainte attaque Super. Le son du parry réussi devient vite un petit bonbon, l’entendre c’est synonyme d’un risque récompensé.

A l’instar du jeu phare de Capcom, la Super s’obtient lorsque la barre de puissance est à son maximum et comme pour les armes, on peut choisir celle qui s’adapte le mieux à notre façon de jouer en les débloquant au fil de l’aventure. Ainsi quand certains choisiront le super laser de la mort bien bourrine pour faire un maximum de dégâts, d’autres préféreront l’Invincibilité qui, comme son nom l’indique, permet d’être invincible pendant quelques secondes.

Fort de café

C’est quand on a saisi ces concepts que Cuphead se révèle vraiment, car au delà d’un banal Boss Rush difficile, le jeu nous amène a nous poser des questions stratégiques en jouant. « Est-ce que j’utilise ma Super maintenant sachant que la phase d’après est tendue ? » – « Et si je vidais ma barre d’une carte pour ne pas être bloqué avec la Super ? » – « Si je passe ce parry je peux passer ma Super derrière ! », autant de pensées qui ont parcouru mon esprit en plein affrontement. Et ces questions j’avais pour habitude de me les poser pendant des matchs dans des jeux de combat comme Street Fighter. Qui plus est les développeurs ont eu l’ingénieuse idée d’incorporer quelques éléments aléatoires durant les combats, on a beau connaître alors les patterns sur le bout des ongles, on peut difficilement prédire ce qu’il va se passer dans les cinq secondes qui suivent.

cuphead wally warbles
« Y a des projectiles partout, il me reste un point de vie alors que j’suis qu’à la phase 2 et ma barre de Super est vide, mon sens aigu de la déduction m’indique que j’suis dans la merde »

L’inconnu et le sentiment qui en découle, c’est d’ailleurs ce que j’ai trouvé de plus grisant dans le jeu. Lorsque l’on pénètre dans l’antre de l’un des damnés en devenir, vient d’abord l’admiration. On contemple et écoute, c’est beau, les animations nous hypnotisent, parfois trop. On essaye de combattre tout en sachant pertinemment que l’affaire demandera plusieurs tentatives. La mort devient alors une amie intime, fort heureusement le temps d’attente entre deux essais est quasi nul, à l’inverse des autres temps de chargements plutôt longuets, surtout sur la version One.

Après quelques essais on passe la première phase que l’on connait maintenant très bien, et soudain vient la deuxième, « t’as énervé le boss ! » comme on disait plus jeune. Et là rebelotte, l’inconnu ; comment le toucher ? Comment esquiver ? Avant même de trop comprendre la sanction tombe, retour à la phase une… Sur le rythme très cuivré de la bande-son, la chorégraphie prend petit à petit forme avec, toujours, ce petit lot d’imprévus. Après une bonne demie-heure, le boss tombe, l’écran affiche « KNOCK OUT ! », on exulte, bruyamment, on insulte une dernière fois le corps gisant de notre adversaire, puis animé par la victoire on se lance alors dans l’antre suivante, ne sachant à nouveau pas à quelle sauce on va être mangé.

Quand y en a marc…

Mais que pourrait donc entacher cette belle fresque cartoonesque ?  Et bien comme trop souvent, des bugs. Ayant joué au jeu sur la version Windows 10, j’ai pu constater le fameux bug de sauvegarde, où l’auto-save fait grève sans prévenir. Bug qui a été corrigé mais dont, comme d’hab, les joueurs du Day One ont été victimes. Vous auriez du voir ma mine déconfite quand j’ai compris que deux heures de jeux intenses étaient parties en fumée. J’ai re-fait sensiblement la même tronche quand je me suis rendu compte que ma sauvegarde était glitchée, m’empêchant de récupérer 100% des pièces du jeu. D’autres petits bugs mineurs ont été trouvés ici et là par d’autres joueurs, allant du bug de script au bug d’affichage. Sur certains titres on pourrait presque pardonner ce manque d’attention, sur un jeu aussi rigoureux que Cuphead, un bug peut tout foutre en l’air dans un moment décisif, et ça c’est dur.

Parce que oui, vous l’aurez compris, Cuphead demande de réfléchir rapidement, d’avoir une exécution imparable et d’être persévérant ; ces trois qualités sont bien connues de tous ceux qui en ont chié un jour sur un jeu de combat, un jeu musical ou sur un shoot’em up. Et c’est là qu’il est difficile de conseiller Cuphead, car si j’ai pris un pied intégral sur le jeu à repousser mes limites pour obtenir les meilleures notes possible, je regrette aussi de ne pas avoir pu m’y adonner à deux, ma partenaire de coopération habituelle  s’étant sentie totalement délaissée par le jeu, lâchée dans la fosse aux lions sans trop comprendre ce qu’ils s’y passait.

cuphead coop
Screenshot de moi en train de jouer en coop à Cuphead pour la première et dernière fois de ma vie

Dans son fonctionnement, même le mode Facile de Cuphead reste difficile pour quelqu’un qui n’a pas une certaine aisance avec un pad. Je ne le conseillerai pas au joueur qui veut « juste » se détendre et apprécier de magnifiques graphismes. Les développeurs ont même été jusqu’à bloquer l’accès au chapitre final aux personnes n’ayant vaincu les boss qu’en mode Facile, les obligeant ainsi à transpirer davantage pour avoir le droit de voir le générique de fin.

Cette exigence fait au final partie de l’identité de Cuphead; mais je n’aime pas ce jeu juste parce qu’il est dur ou parce qu’il est beau. J’aime ce jeu parce qu’au milieu d’une rafale de tirs ennemis partant dans tous les sens, mon cerveau passe soudainement dans un mode matrixien où tout est au ralenti, ma concentration au maximum, mes doigts quasi-indépendants de ma volonté quand mes yeux, eux, « voient la frame ». C’est quelque chose qui me touche car les jeux qui m’ont fait vibrer tout au long de ma vie de joueur m’ont fait ressentir la même chose; et à l’heure où le temps me manque pour m’adonner à ma passion, Cuphead a réussi à me captiver, à m’obséder même. On dit souvent que le flacon importe peu pourvu qu’il y ait l’ivresse; ici il y a les deux, et je lève mon mug en l’honneur de ces gens qui ont contribué à ma cuite vidéoludique.

Version vidéo

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